J’ai peur de ne pas être à la hauteur (Part.5)

Alors, vous allez me dire : « Mais, attends, Louise, tu as bien un Master en éducation sexuelle ? Du coup, comment tu as pu en arriver là ? ».

Vous connaissez l’histoire des cordonniers ? Bah voilà ! C’est souvent difficile de voir seul ce qui bloque alors je me suis dit que demander un avis extérieur serait intéressant. J’ai commencé à aller explorer les sites et comptes Instagram de sexologues/sexothérapeutes pour voir quelle approche me correspondait le mieux.

En parallèle de cette recherche j’ai commencé un travail personnel car je voulais trouver des pistes toute seule. J’ai lu de chouettes bouquins qui m’ont amené à prendre conscience de l’impact de mon passé. Nous avons déjà un peu abordé mes expériences sexuelles mais j’ai voulu aller fouiller d’autres histoires de ma vie pour analyser un peu mieux la naissance et la construction des croyances qui façonnaient ma sexualité. J’ai décidé dans cette partie de faire un focus ici sur un moment clé de la sexualité, l’adolescence.

C’est un moment de vie où ce thème commence à prendre de la place, beaucoup de place. On a des milliards de questions. Malheureusement pour nous, les adultes (parents, parents des amis, profs, CPE, etc.) sont tellement mal à l’aise à l’idée de parler de ce sujet qu’on se retrouve face à plein de réactions différentes, nous envoyant souvent des signaux totalement contradictoires. Cette cacophonie peut devenir très perturbante : la sexualité est-elle simple ? Compliquée ? Si c’est simple, pourquoi doit-on attendre d’être plus « mature » ? Et si c’est si compliqué, où sont les réponses ? Dans quel livre ? Le Kamasutra ? La sexualité est-elle quelque chose de sale, dégoutant, dégradant ? Pourquoi cela semble dégradant uniquement pour les filles ? Pourquoi me dit-on que la sexualité est si extraordinaire qu’il faudrait absolument la partager avec LA bonne personne ? Et si les mecs ne pensent qu’au sexe comme dit le père de Machine, comment s’assurer que mon copain est sérieux ?

Mes parents voulant bien faire et comprenant qu’il n’est pas évident pour les ados d’avoir ce genre de discussion en famille, j’ai eu la chance d’avoir des livres abordant la puberté, l’adolescence et évidemment la sexualité. Même si cela a apporté certaines réponses à mes questions (anatomie, biologie, etc.) il manquait quand même plein de choses concernant la sexualité. Moi j’avais des tonnes de questions concernant l’orgasme, les positions, l’excitation, comment donner du plaisir, etc. Bref, je voulais un mode d’emploi ! Et j’avais beau lire tout ce qui me passait entre les mains, les adultes qui les écrivaient continuaient à être flous, à aborder cela de manière vague ou totalement stéréotypée (« les femmes c’est comme ça, les hommes c’est comme-ci »). C’était frustrant !

Plus les adultes évitent les discussions, plus on se retrouve seuls face à ces questions. Alors on va chercher des réponses ailleurs, plus loin dans notre environnement. Sauf que notre société oscille entre hyper-sexualisation (on en revient un peu, mais rappelez-vous qu’on foutait des meufs à poils pour vendre tout et n’’importe quoi) et maintien du tabou et des stéréotypes, créant des normes pas hyper compatibles avec une approche sereine de la sexualité et des relations affectives.

Note : Je dis qu’on abandonne un peu l’idée de foutre des meufs à poil pour tout et n’importe quoi mais y’a encore pas mal de taff. Si vous voulez admirer la paresse publicitaire de certains c’est par ICI pour le Quizz « Que vend cette pub ? ».

En vrac, dans les magazines j’ai appris que les femmes avaient besoin de romantisme pour faire l’amour, qu’on devait être épilées sinon ce n’est pas excitant, qu’un corps « parfait » permettait à l’homme de nous désirer, qu’il fallait absolument savoir s’habiller selon sa morphologie, qu’il fallait être aguicheuse mais pas trop, en savoir beaucoup sur le sexe mais sans avoir trop d’expérience, que les régimes et les yaourts 0% devaient devenir notre quotidien, qu’on devait savoir marcher avec des talons (mais pas trop haut sinon ça fait fille facile) et se maquiller (mais pas trop sinon ça fait fille facile), que la fellation c’est le ciment du couple, que l’absence/la diminution de rapports sexuels est pathologique et qu’il est de bon ton de courir le magasin de lingerie pour relancer la machine, qu’un homme a des besoins et qu’on ne peut rien y faire, que la tromperie c’est signe qu’on ne fait pas assez l’amour ou qu’on s’est trop laissé aller (et hop ! un régime miracle vendu au passage !), etc.

Oui, il y a une coquille, à force de faire n’importe quoi on oublie de se concentrer et voilà… C’est bien « Et si c’était la solution pour le RENDRE dingue de vous? »

Et au cinéma/à la télé ce n’était pas mieux : à cet âge on commence à avoir accès à des films un peu plus adultes, avec des scènes de sexe. Je me disais donc que j’aurais sûrement des réponses à mes questions, au moins à certaines. Cependant, on retrouvait plus ou moins les mêmes stéréotypes que dans les magazines : les femmes avaient besoin de romantisme pour faire l’amour, les hommes étaient tous des pervers qui ne pensaient qu’à ça, il fallait être mince/musclé/etc. pour exciter l’autre (faites la liste dans votre tête des films connus où les personnages ne sont pas super bien foutus, c’est vite vu !), etc.

Et en plus de ça, j’intégrais de nouvelles normes en visualisant les scènes de sexe : la pénétration était apparemment obligatoire (et c’était souvent le seul acte sexuel d’ailleurs), prendre son temps pour le sexe était bon pour les comédies romantiques ou les téléfilms cucul de M6 (un truc de fille chiante quoi !), la capote était inexistante (avez-vous déjà vu les partenaires s’arrêter pour mettre une capote ?), le sexe se terminait quand l’homme jouissait (parfois, si le producteur était bien luné, on avait droit à un magnifique orgasme simultané, en 5 minutes, sans les mains, juste avec les va-et-vient du Sacro-Saint Pénis). Bref…

(Avant qu’on me balance des tomates en criant au wokisme, je ne dis pas qu’il faut tout mettre au bûcher (quoique…), mais qu’il faut prendre conscience qu’à force d’avoir ce genre de représentation dans nos quotidiens, cela forge notre imaginaire sexuel)

Re-concentrons-nous sur ma vie d’ado : je suis donc face à des adultes frileux, des livres trop sérieux et, même si j’ai quelques pistes grâce à certains films/livres classiques, tout cela reste encore très mystérieux… Du coup, je suis allée chercher du côté de la pornographie, voir si je trouvais enfin des réponses à mes questions.

Je comprends bien le discours d’interdire le porno aux mineurs mais si on continue à jouer les autruches face à leurs questions sur la sexualité, cela ne fait que renforcer l’attrait. Que ce soit au lycée ou dans les magazines, quand les adultes mettaient en garde contre le porno, cela donnait souvent ce genre d’échange :

Le porno ce n’est pas la vraie vie, cela ne se passe pas comme ça. Il ne faut pas prendre cela comme exemple.

Ok, mais ça se passe comment alors ?

Bah… Pas comme ça ! Tu verras quand tu seras plus grande/C’est une explosion quand on est amoureux, y’a des papillons et des feux d’artifices/C’est doux et tendre, on se dit des « Je t’aime » et pas des « Enfonce-moi ta grosse b*** bien profond ! »/etc.

… et ça ne répondait toujours pas à mes questions ! Alors vu que les adultes ne savaient que faire des pirouettes verbales, je suis partie, en bonne ado que j’étais, explorer cet univers interdit où tout était montré, où tout était possible. Je pouvais enfin répondre à certaines interrogations mais surtout je pouvais découvrir ce qui me faisait vibrer, ce qui venait chatouiller mon bas ventre ou ce qui me laissait de marbre. Ainsi, je commençais à avoir le début de ce qui me semblait être un mode d’emploi assez sympathique pour m’amuser avec mon copain. Il est évident qu’avec le recul, je sais maintenant que, si le porno a répondu à quelques interrogations, il a aussi participé au renforcement de pas mal de stéréotypes. Toutefois il m’a bien plus aidé dans ma vie que les tonnes de conseils à côté de la plaque que j’ai reçu de la part des adultes quand j’avais des questions !

J’arrive donc à la fin de mon adolescence avec ce bagage-là. Il n’était pas trop merdique car il m’a permis de bien m’amuser au tout début de ma sexualité. C’est après que cela s’est corsé…