J’ai le cœur en miettes.

J’ai le cœur en miettes.

Jeudi 8 juin, juste après avoir annulé certaines rencontres et mis un mot sur mon site, j’ai fermé mon ordinateur, j’ai attrapé la laisse de ma chienne pour la sortir un peu et elle s’est écroulée devant moi, signalant ainsi la fin d’une relation incroyable de 12 belles années. On pourrait dire que je n’ai pas eu beaucoup de temps pour profiter d’elle après son hospitalisation mais en réalité j’ai eu du rab, beaucoup de rab…

J’ai d’abord eu une année en plus, quand on prédisait qu’elle ne passerait pas l’été dernier.

J’ai ensuite eu des jours en plus quand on ne lui donnait que quelques heures à vivre lors de son hospitalisation en début de mois.

Puis, j’ai eu des heures en plus quand, contre toute attente, on m’a dit que je pouvais la ramener chez moi pour qu’elle y passe ses derniers instants.

Et enfin, j’ai eu 1h en plus après son malaise. Une heure, pour prendre la décision de l’aider à partir, pour que mes proches puissent lui dire adieu, pour que je la porte tout contre moi une dernière fois en allant chez sa vétérinaire, pour que je joue avec ses longs poils dans le vent tout en riant beaucoup pour ne pas lui montrer que j’étais morte de trouille à l’intérieur, pour que je lui redise à quel point j’étais heureuse qu’elle soit entrée dans ma vie, pour la voir s’éteindre apaisée entourée de sa vétérinaire préférée et de ma meilleure amie, pour écouter son gros cœur battre une dernière fois.

Assise sur mon canapé, 2 jours après son départ, je me suis rendue compte que ce petit être de 9 kilos avait en fait la taille d’une baleine bleue dans mon appartement. J’ai eu l’impression d’un vide immense, tellement fort qu’il était presque palpable. L’air n’a plus la même composition, je serais incapable de l’expliquer mais il me semble statique et lourd. Mon appartement ne résonne plus comme avant, malgré les cavalcades de mes chats, le silence est assourdissant. Silence aussi dans mon corps, j’ai réalisé que j’avais perdu ma voix. J’étais tellement habituée à parler avec elle du lever au coucher, à lui raconter tout ce que je faisais, ne plus l’avoir m’a rendue muette.

Le vide aussi dans ma vie qui était beaucoup tournée vers elle, surtout cette dernière année. Alors que je pouvais la sortir une dizaine de fois par jour et que j’adorais refaire encore et toujours les mêmes balades dans mon quartier, je me suis retrouvée à rester en pyjama toute la journée (merci d’ailleurs à toi qui a eu l’idée de m’offrir un tee-shirt tout doux avec un chat qui dort, sache que ça a été mon uniforme pendant tout ce temps). J’étais terrifiée à l’idée de sortir et de fondre en larmes pour un rien : un paquet de Pailles d’or, une pizza, un autre chien, tout pouvait me transformer en fontaine. L’idée même d’aller me balader sans elle me semble encore bizarre, mon podomètre me fait bien remarquer qu’il y a eu du changement.

J’écris tout cela en ayant conscience d’une chose : pour certains cela peut sembler stupide. Après tout, ce n’était « qu’un chien ».

Quand j’étais au collège, je me rappelle d’une prof qui nous avait fait tout une tirade moqueuse sur les gens qui pleuraient la mort d’un animal. Elle trouvait cela idiot. L’été suivant, mon chat décédait et je me rappelle avoir culpabilisé d’être aussi triste durant des semaines.

C’est quelque chose que j’ai souvent remarqué quand il est question de deuil : la tendance à la hiérarchisation et à la minimisation. Il y aurait toujours pire. Et en réalité il y a toujours pire mais est-ce que cela rend notre douleur plus supportable ? Pas vraiment. Et puis, qui décide ce qui est pire ?

J’ai beau être entourée, je suis une personne assez solitaire, cela ne me dérange pas de passer plusieurs jours sans contact humain mais je suis toujours avec mes animaux. Ils ont donc une place immense dans ma vie, ce sont les êtres qui passent le plus de temps avec moi au quotidien. Autour de moi j’ai aussi des gens qui n’ont plus tellement de lien avec leurs familles, qui n’ont pas forcément de relations amoureuses ou amicales mais qui ont des animaux. Qui est-on pour venir dire « ça va, c’est pas comme si c’était ta mère ! » ? Pourquoi certains s’octroient le droit de venir hiérarchiser les sentiments que nous devrions avoir ?

Je sais que cela part parfois d’une bonne intention (on se dit que si on aide l’autre à relativiser sa perte, ça ira mieux plus rapidement) mais le plus juste dans ces cas-là est d’accueillir simplement les sentiments de la personne, même si cela vous parait absurde ou étrange. Sa souffrance est tout sauf imaginaire alors autant l’aider à traverser cela en étant de la bonne manière à ses côtés. Si vous ne savez pas quoi faire, demandez juste ce dont il ou elle a besoin.

Même si sa fin fut douce et puissante en même temps, même si je suis reconnaissante de tout et surtout de cette année, ces jours et ces heures en plus, même si je ne culpabilise pas d’avoir pris cette douloureuse décision, j’ai quand même l’impression qu’on m’a arraché une partie du cœur et des poumons. Je vais avoir besoin d’un peu de temps pour ramasser les miettes et recoller tout ça comme je peux, pour m’habituer à ce silence, pour retrouver ma voix, pour me faire à cet air qui me semble si pesant, pour me créer un nouveau quotidien, pour prendre soin de mes chats perturbés par cette absence et par ma tristesse…

J’angoissais un peu de rouvrir ma boite mail parce que je suis encore assez fragile mais j’ai été très touchée par tous vos mots et vos petites attentions. Je crois que j’ai pleuré sur à peu près chaque message. Merci à tous ceux qui sont aussi venus me raconter leurs deuils ou leur peur à l’idée de perdre leur précieux compagnon. Et merci aussi aux gens que je ne connais pas et qui sont simplement venus pour me glisser des mots doux et réconfortants pour m’accompagner à leur niveau.

J’ai répondu un peu, je prendrai mon temps et je vais aussi me prendre des vacances à partir de mi-juillet jusqu’à fin aout. Bref, ne vous affolez pas si vous n’avez pas de réponse tout de suite, je vais finir par revenir vers vous (sauf si vous avez terminé dans la corbeille parce que vous avez eu la flemme de lire ou de tenir compte de mes besoins).

Passez un bel été, câlinez fort vos animaux pour moi

Je vous embrasse