A la mémoire de J.

Il y a quelques années, je rencontrais J. via une amie et collègue. J. bossait dans le théâtre, il allait faire une pièce sur notre boulot et refusait de se limiter aux représentations dans les médias pour parler de nous. On a donc passé des moments ensemble, j’ai découvert un mec très doux mais surtout non jugeant. Il stoppait la conversation quand nos téléphones sonnaient, s’amusait de voir comment nous répondions aux cons, nous lui montrions certains SMS pas cool, d’autres plus cool, il rigolait avec nous de nos anecdotes de boulot. On pouvait lui raconter les trucs chouettes comme les trucs pas drôles, il était à l’écoute apportant toujours les paroles justes, celles qui font du bien.

Il y a un an, en juillet, j’apprenais qu’il était hospitalisé pour une putain de maladie, il avait vécu un moment critique mais il s’en remettait doucement. Je suis donc allée le voir, le coeur battant, ne sachant pas à quoi allait ressembler mon copain après 1 mois d’hospitalisation. On a rit en trouvant qu’il avait un peu trop pris au sérieux les injonctions des magazines à perdre du poids avant l’été pour avoir un « bikini body ».

Nous avons discuté tout l’aprem, principalement de mon boulot car je savais que mes aventures le faisaient rire. A un moment, un ASH est rentré pour faire le ménage, cela ne m’a absolument pas empêché de continuer à lui lire les messages de personnes négociant, m’insultant, ou autre (ne vous inquiétez pas, je ne balance que les cons, jamais les chouettes personnes) et nous rigolions de mes aventures, nous parlions avec sérieux de mes belles rencontres, il m’écoutait attentivement, me donnant des conseils parfois. Une fois l’ASH sorti, il a éclaté de rire en me disant qu’il allait avoir une sacré réputation à l’Oncopole !

Il a rechuté en décembre, je suis retournée le voir, je me rappelle ce jour là il avait commencé à neiger, il faisait un froid terrible, le vent me glaçait alors que je marchais du parking à l’hôpital. Nous avons regardé la neige tomber par la fenêtre de sa chambre, on blaguait sur le fait que j’allais devoir rester avec lui toute la nuit pour lui conter encore et encore mes histoires. Je suis repartie en fin d’après midi, heureuse de le voir plein de projets pour le futur.

Mai 2018, je fête un peu trop mon anniversaire, le lendemain avec une gueule de bois terrible, je vois qu’un ami m’a laissé un message. C’est la fin pour J., il est hospitalisé, pour la dernière fois.

J. est parti le 14 mai. Nous nous sommes rassemblés une dernière fois en son honneur dans un bel endroit, cet endroit qu’il avait ouvert juste pour nous les putes dont il soutenait les luttes.

La terre manque cruellement de belles personnes, J. était l’une d’entre elles, et sa mort est injuste. Mais il m’a appris beaucoup de choses, j’ai eu des discussions passionnantes avec lui, à la terrasse d’un café ou dans cette chambre d’hôpital. Il est rare de trouver des personnes qui nous acceptent autant, sans être intrusifs ou drama, lui voulait juste nous écouter mais surtout porter notre parole telle qu’elle était, sans chercher à la modifier pour plaire aux gens, il voulait juste écouter et partager nos vécus.

Merci J. pour ce passage dans ma vie, ce fut chouette.