Je ne vais pas développer ici les classiques « Je ne veux pas payer car je suis beau/je suis un bon coup/j’ai un magnifique pénis », j’en ai déjà un peu parlé et cela ne mérite pas qu’on en fasse des pages. Puis je me suis un peu emballée niveau longueur donc prenez votre pot de beurre de cacahuète taille XL et vos pommes, c’est parti !
Cette thématique est abordée de différentes manières suivant les personnes qui me contactent : « Vous me plaisez mais je ne veux pas payer par contre nous pouvons devenir amis/ça me ferait plaisir de correspondre », « Vous me plaisez mais je ne veux pas payer, je considère que c’est mal, par contre nous pouvons devenir amants », « Je rêve de me mettre en couple avec une escort, vous pourrez continuer votre activité, je ne suis pas jaloux » et « Je suis riche, vous n’aurez plus à travailler dans ce milieu là ».
J’ai ce type de demande une fois par mois minimum. Je me demande toujours ce qui se passe dans la tête d’un homme qui m’écrit cela, pense t-il que je vais m’exclamer « Oh mon dieu ! Un homme inconnu qui refuse de payer, quelle chance. C’est sûr, c’est mon prince charmant, il FAUT que je le rencontre » ? Pense t’il que je fais cela pour combler un manque affectif ou sexuel ? Que je fais cela car je n’ai pas encore rencontré le véritable amour ? Que je suis seule et isolée ? Bref, cela me laisse perplexe.
Essayons de décortiquer un peu chaque cas et voyons ensemble pourquoi c’est de la merde.
« Vous me plaisez mais je ne veux pas payer par contre nous pouvons devenir amis/ça me ferait plaisir de correspondre avec vous »
Je vais d’abord vous demander si vous trouveriez ça logique d’aller dans un restaurant qui vous fait envie pour voir le chef et lui dire « Hey, tu ne me connais pas mais j’aime beaucoup ta carte, tiens voilà mon numéro et appelle moi pour qu’on fasse connaissance/qu’on corresponde » ? (J’aime bien faire des parallèles avec d’autres professions pour mettre en lumière le coté absurde de certaines demandes)
Au cas où cela ne transparaisse pas déjà dans mon site, j’ai une vie bien remplie, j’ai la chance d’être bien entourée et je galère parfois à voir tous mes amis, je n’ai donc pas spécialement besoin de me rajouter des gens en plus. Évidemment il m’arrive comme tout le monde de rencontrer de nouvelles personnes et de nouer des liens amicaux. Mais je ne suis pas dans une recherche active pour agrandir mon cercle d’amis.
Certaines personnes vont dans des bars, dans des clubs sportifs, sur des sites pour rencontrer de nouvelles personnes, se faire des amis… Ce n’est absolument pas mon cas. Quand je sors dans les bars c’est pour y voir les gens que je connais déjà, quand j’allais dans une salle de sport je n’ai jamais adressé la parole à personne (à part pour les marques de politesse évidemment), je n’ai jamais mis les pieds sur un site de rencontre et j’envoie bouler toute personne qui me demande en ami sur Facebook pour faire connaissance alors que je ne la connais pas… Vous comprendrez que rencontrer de parfaits inconnus qui me contactent via mon site pour être amis n’est pas ma tasse de thé.
Il est inutile de me demander une relation amicale hors escorting, je ne m’ennuie pas dans ma vie, j’ai tout ce qu’il faut coté relations. Si vous cherchez à vous faire des amis inscrivez vous dans un club de sport, dans un cours de théâtre, sur un site de rencontres…
Et si c’est absolument moi que vous désirez voir, je vous conseille de faire comme les autres c’est à dire de prendre RDV et de voir où cela nous mène. Même si je ne suis pas en recherche active d’amitié, il est évident que dans mon activité il m’arrive de nouer de belles relations avec certains d’entre vous. Ce sont des relations amicales mais qui restent dans un certain cadre, cela me convient très bien. Tout comme notre cuisinier va sympathiser avec ses habitués, les garder après le service pour boire un verre et papoter…
PS : une personne m’a demandé si ce cas de figure s’appliquait aux personnes que j’ai rencontré. J’apprécie recevoir des nouvelles des personnes que je connais évidemment, tant que cela n’est pas envahissant et/ou intrusif je n’ai aucun problème avec ça.
« Vous me plaisez mais je ne veux pas payer, je considère que c’est mal, par contre nous pouvons devenir amants. »
Reprenons notre cuistot de tout à l’heure, cette fois vous entrez et vous lui dites « J’aime beaucoup ce que vous faites, mais je ne paierai jamais pour ça, c’est de l’exploitation ! Du coup je vous propose de venir cuisiner chez moi gratuitement. Vous verrez je suis sympa, j’adore discuter et ça vous changera de tous ces gens qui vous paient pour que vous les nourrissiez. Avec moi ce sera sincère. ».
Une fois encore : je ne manque pas de relations dans ma vie privée. Je ne fais pas cette activité par manque de sexe, d’amour ou de câlins (et puis j’ai 3 bestioles, vous ne pouvez pas rivaliser avec elles niveau câlin).
Maintenant que j’ai clarifié ça, intéressons nous à la deuxième partie de cette phrase « je considère que c’est mal ». Pourquoi sommes-nous amenés à penser que les relations sensuelles tarifées ne peuvent pas être sincères et épanouissantes ? La présence d’argent dans une relation est-elle vraiment corruptrice ? L’argent donné dans ce cadre empêche t-il la présence de compassion, d’empathie, d’intérêt pour le partenaire ?
Prenons le cas d’une soignante : sa rémunération remet-elle en cause sa capacité à éprouver de l’empathie, de l’affection, du respect pour la personne soignée ? Et la personne soignée ne peut-elle tout autant éprouver sentiments ou sensation, bien que déboursant de l’argent ?
Les 2 versions, payante et gratuite, peuvent cohabiter dans bien d’autres domaines impliquant les relations humaines et l’émotionnel. Par exemple on ne dit pas à une nounou que c’est mal de faire ce boulot car elle fait payer ce que le parent fait gratuitement auprès de son enfant. Pourquoi l’escorting serait-il exempté de ces cas de figues ? Il faut bien se remettre en tête que c’est un travail, un travail qui sert à payer les factures, le loyer… Pourtant comme dans n’importe quel travail, la rémunération n’empêche pas les sentiments, il peut y en avoir comme il peut ne pas y en avoir.
Par contre, je suis d’accord qu’il y a malheureusement des hommes qui considèrent que, parce qu’ils payent, je dois obéir à leurs demandes (évidemment je ne rencontre jamais ces hommes là). Mais on retrouve ce genre de comportement dans bien d’autres domaines, j’ai vu des gens mal se comporter dans un restaurant ou dans un hôtel car « le client est roi et il a le droit de faire ce qu’il veut vu qu’il paye ». Quelque soit la personne qui est face de nous, même si elle est payée, elle reste un être humain qu’il faut respecter (ça me paraît plutôt basique comme principe mais apparemment ce n’est pas acquis pour tout le monde).
Il est vrai que la société en général n’éduque pas vraiment au respect des gens qui font le même métier que moi, on veut soit nous sauver, soit nous voir disparaître, donc c’est un peu compliqué de s’y retrouver. Si vous êtes ce genre d’homme qui veut nous « montrer du respect » en nous proposant du gratuit, je vous demanderais de faire un travail sur vos représentations en lisant tous les livres sur ce sujet (aller, je vous aide, commencez par Paola Tabet) et d’écouter réellement ce que mes collègues et moi avons à dire. Cela nous servira bien plus qu’une partie de jambe en l’air !
« Je rêve de me mettre en couple avec une escort, vous pourrez continuer votre activité, je ne suis pas jaloux »
Le fameux fantasme d’être en couple avec une escort, c’est tellement répandu ! Mais qu’est ce qui se cache derrière ce fantasme ?
Tout d’abord certains pensent que nous faisons cette activité par « nymphomanie » (au passage la nymphomanie n’existe pas, c’est un concept sexiste de contrôle de la sexualité des femmes, mais bref, c’est un autre sujet), notre libido serait tellement élevée que nous devons baiser plusieurs fois par jour pour nous calmer. Il y a des personnes dans ce cas là, mais laissez moi vous dire que l’immense majorité des escorts a une libido tout ce qu’il y a de plus normale. C’est juste un travail, avec ses bons et ses mauvais cotés.
Reprenons notre cuistot, vous pensez qu’il a ouvert son resto car il aime tellement peler des pommes de terre et blanchir des asperges qu’il doit cuisiner tout le temps, tous les jours, pour plein de personnes pour se sentir bien ? Peut-être pour certains mais je pense que pour la majorité c’est juste un moyen de gagner sa vie (plus ou moins agréable suivant les conditions de travail).
Ensuite on nous prête parfois des dons extraordinaires. Alors oui, on développe certaines compétences comme dans chaque métier mais il ne faut pas croire que c’est la fête du slip. Ce n’est pas parce qu’on fait cette activité qu’on va dire amen aux partouzes, aux gang-bangs, aux doubles pénétrations, à la soumission hard, qu’on est capable de faire tout le Kamasutra ou qu’on est plus souples que des artistes de cirque. Si c’est ce que vous pensez, je vous conseille d’éteindre PornHub et de commencer à regarder des pornos un peu plus réalistes. Si j’accorde dans ma vie privée certaines pratiques que je refuse dans le cadre de l’escorting ce n’est pas non plus Sodome et Gomorrhe. Mes limites sont mes limites et aucune personne n’a à les discuter ou à les dépasser. Et je n’ai pas non plus de dons extraordinaires, désolée de vous décevoir !
Ceci étant dit, je peux parier mon poids en beurre de cacahuète que la majorité des personnes avec ce fantasme ne tiendrait pas 6 mois en couple avec une escort. Quand je vois tous les hommes qui ont été super open/excités au début d’une relation avec une escort et qui sont devenus invivables après quelques mois, je sais qu’il y a un fossé énorme entre ce que certains imaginent et la réalité.
Déjà, comme dit plus haut, être en couple avec une escort c’est pas l’assurance d’un open-bar du cul. Puis il faut vraiment avoir conscience de tout ce qu’implique notre métier et avoir fait un sacré travail sur soi concernant la jalousie. Notre métier touche aux relations personnelles qui sont normalement cantonnées à la sphère privée et tout le monde ne peut pas gérer ça. Ce mélange de ce qui tient du privé et du public se retrouve aussi dans d’autres corps de métier, j’ai vu des compagnons faire la gueule à des copines soignantes car il jalousaient l’attention qu’elles portaient à leurs patients.
Bref, être en couple avec une escort est loin de ce que certains semblent imaginer. Il est nécessaire de casser ce film porno qui tourne en boucle dans votre tête pour accepter cette dure réalité. Ce n’est pas agréable mais je suis sûre que vous pourrez trouver d’autres fantasmes, l’esprit humain est fabuleusement bien fait !
« Je suis riche, vous n’aurez plus à travailler dans ce milieu là » a.k.a le Syndrome du sauveur ou le Syndrome Richard Gere ou le Syndrome Pretty Woman
Désolée Julia, je t’aime mais là vraiment ce film c’est pas possible, il a fait beaucoup de mal à notre profession. Je souhaite que tous les sauveurs prennent un post-it et marquent la phrase suivante : « Pretty Woman est un film de merde qui reflète juste les fantasmes malsains d’Hollywood à propos de la prostitution et n’est pas du tout en accord avec les réalités des personnes concernées ». Voilà maintenant que c’est fait, vous l’accrochez sur le miroir de votre salle de bain et chaque matin quand vous vous rasez, vous le lisez 5 fois à voix haute (sans vous couper, faites attention à vous quand même).
Reprenons notre cuistot, il ne vous connaît ni d’Eve ni d’Adam et vous déboulez dans son restaurant pour lui dire « Tu ne me connais pas mais je suis riche (ou pas), plaque ton restaurant et viens donc vivre avec moi ! ». Vous trouvez cela logique ? Moi non plus.
Alors oui, on ne va pas se mentir, il y a des collègues qui rêvent de tomber sur un Richard Gere, d’abandonner ce boulot pour vivre une belle histoire de conte de fée. Il y a même des collègues qui se mettent en couple avec des clients pas forcément riches et cela se passe bien. Comme toute relation c’est quelque chose qui se construit sur le long terme.
Pour parler de mon cas, j’adore mon boulot et je n’ai aucune envie de devenir dépendante d’un homme, je trouve que c’est un rapport de pouvoir malsain. Imaginez : ok je quitte mon boulot pour un Richard Gere, seulement au bout de quelques mois, Richard s’est transformé en Super Connard. Je fais quoi ? Si je le quitte je n’ai plus de sécurité financière, retour à la case départ. Si je reste pour la sécurité financière, je serai certes très belle en Chanel mais je serai malheureuse. La prison dorée ne me fait pas vraiment rêver.
Bref, si vous êtes riche et que vous pensez être possédé par l’esprit de Richard Gere, il est inutile de me couvrir de cadeaux et de me promettre une vie faite de shopping à New-York, Paris ou encore San Francisco pour essayer de m’avoir. Déjà je n’aime pas le shopping mais surtout je ne suis pas votre princesse en détresse. Je suis sûre que vous trouverez aisément une demoiselle intéressée dans votre entourage.
C’est enfin la fin de ce long post, mes félicitations une nouvelle fois pour être arrivé jusqu’ici.
Je vous embrasse et on se revoit à la rentrée !