Le sexe a t’il une date de péremption ?

Je serais tentée de dire « quand on meurt » mais si vous croyez au paradis et à l’enfer, vous voyez peut être plus loin. Après tout on m’a bien prédit que je finirais chez Satan à faire des partouzes avec les dirigeants de Coca-Cola (pour certaines personnes, vendre ses charmes est plus ou moins équivalent sur le plan moral à empoisonner la planète et les humains avec une boisson gazeuse, je ne juge pas, chacun ses croyances). Du coup peut-être que ma sexualité s’arrêtera à mon décès, peut-être pas.

Toujours est-il que si certains me prédisent de fabuleuses galipettes dans des rivières de Coca, il faut bien se rendre à l’évidence : pour une grande partie de la société, la sexualité s’arrête bien avant. Genre avant le paradis, avant le décès, avant la maison de retraite, avant parfois la ménopause… Bref, on ne sait pas trop où est cette limite mais il y en a une, il n’y a qu’à observer un peu autour de nous pour se rendre compte qu’il y a un âge où faire des parties de jambes en l’air n’est plus vraiment toléré.

Représentations de la sexualité après un certain âge

S’il est admis, même hautement recommandé, d’avoir une vie sexuelle à l’âge adulte, on sent que la société nous a collé une grosse étiquette de date de péremption sur les fesses.

« C’est plus de ton âge !« 

Passé un certain âge, on considère que les gens (et surtout les femmes, question d’éducation mais si je pars là-dedans on va en avoir pour 15 pages de plus et j’ai une vie, vous aussi donc on va sauter cette partie là) ne sont plus intéressés par « la chose ». Les priorités ne seraient plus les mêmes : les personnes âgées trouveraient leur plaisir dans la confection de gâteaux pour leurs petits enfants ou dans la plantation de géraniums. Leur vie affective et sexuelle passerait maintenant uniquement par le fait de se tenir la main ou de se faire un baiser sur la joue. Ça, ça va, c’est mignon mais on n’ose pas les imaginer aller plus loin. On refuse de croire que sa grand-mère a une furieuse envie de brouette thaïlandaise avec son copain du club de lecture. Pourtant les fantasmes, les désirs et l’imaginaire sexuel ne s’arrêtent pas à un âge donné, ils peuvent être présents jusqu’au décès. J’ai lu qu’on évoluerait vers quelque chose de plus doux, de plus tranquille, de moins « sexuel » en vieillissant. Ceci est souvent posé comme une norme, valable pour tout le monde (ce qui sous entend que si on a des envies différentes ce n’est pas « normal »). Peut-être effectivement que certaines personnes trouvent leur épanouissement dans les balades main dans la main sur la plage au soleil couchant, mais peut-être qu’on pourrait aussi arrêter de dire aux gens comment ils doivent penser leur sexualité après 60 ans (ce qui est jeune d’ailleurs mais bref) ? Que Mamie, 85 ans, ait envie de balade romantique ou d’une partie fine torride après tout, qui ça regarde à part elle et son/sa/ses partenaire(s) ?

Bref, si tous les jours la société et notre entourage nous font comprendre que le sexe passé un certains âge, c’est mal, dégueulasse, qu’on doit se limiter à de chastes baisers sur la joue, comment ne pas être perturbé par ses propres envies ? Comment ne pas décider de ranger sa sexualité dans une boite au placard (entre les boites « rêve de carrière dans le music-hall » et « rêve d’aller à New-York ») ?

« Ton corps n’est plus désirable.« 

Nous vivons aussi dans un monde qui met en avant principalement des corps jeunes, sans défauts (ou des corps plus âgés souvent modifiés à grands coups de bistouri ou de Photoshop). Dans les magazines, sur internet, dans les pubs, dans les films, on a tendance à toujours embaucher des jeunes. Vendre un yaourt ? Une jeune femme. Vendre une voiture ? Un jeune père de famille. Grossièrement, après 60 ans, on a tout juste le droit d’être embauché pour des pubs pour les fuites urinaires, pour les montes escaliers et pour jouer dans Les Feux de l’Amour (et encore, si nous avons « bien vieilli »).

Parfois les rides, les tâches, les cheveux blancs, les cicatrices apparaissent à la télé mais ce n’est que pour promouvoir des crèmes, des soins destinés à les faire disparaître. Il n’est pas question d’accepter le temps qui passe, il faut le combattre.

« Cependant, la société de consommation lui laisse entendre qu’il est possible de combattre les effets du vieillissement (Boëtsch, 2010), et ce, sous le mode de l’injonction. Le déclin naturel du corps doit être combattu car il peut être combattu par les produits et les services créés à cet effet. La perte de la beauté, en vieillissant, n’est plus une conséquence inexorable de l’avancée en âge, elle est désormais considérée comme un manque de discipline et de volonté (Featherstone, 1994). « Avoir l’air vieux », c’est également « se laisser aller », or le travail des apparences exige efforts et maîtrise, fermeté tant d’esprit que de corps. L’apparence est le reflet des qualités morales de l’individu. »

https://www.cairn.info/revue-gerontologie-et-societe1-2012-1-page-23.htm

(Oui parce que du coup je suis allée me perdre dans les écrits universitaires sur le vieillissement, je vous fait profiter un peu de mes trouvailles)

On en revient un peu à ce que je disais dans l’article sur la rapport au corps : ces représentations collectives ont un impact sur la relation que nous avons avec nous-même car elles dictent inconsciemment ce qui est désirable et ce qui ne l’est pas, ce qui est normal et ce qui ne l’est pas. Comment pouvons nous imaginer nous dénuder et avoir une relation avec une personne si nous ne nous sentons pas attirants ?

(Attention : mon propos n’est pas de taper sur les gens qui ont recours à la chirurgie ou aux soins esthétiques, ni sur ceux qui ont décidé de ne pas y avoir recourt. Et selon moi, personne d’ailleurs ne devrait juger son prochain sur ce genre de chose vu la société dans laquelle nous évoluons.)

Autres soucis

A cette période, il est vrai aussi qu’on va rencontrer des troubles physiques et/ou hormonaux qui peuvent avoir un impact non négligeable sur notre sexualité. On arrive en partie à pallier certains problèmes comme les troubles de l’érection ou la sécheresse vaginale. Malheureusement c’est encore trop tabou de demander un traitement à son médecin généraliste pour aller s’envoyer en l’air avec son copain alors qu’on a 80 ans ou de demander à son chirurgien comment faire des galipettes avec une poche de stomie alors qu’on a 70 ans.

Les institutions

Même si on en parle de plus en plus, la sexualité après un certain âge reste un gros tabou dans notre société cependant la cerise sur le cupcake arrive quand on pousse la porte des institutions hébergeant les personnes.

En effet, si on peut encore arriver à se débrouiller lorsqu’on vit chez soit, quand on rentre en maison de retraite, avoir une vie sexuelle c’est un peu un Koh-Lanta du 3ème âge. Le manque d’intimité, les lits simples, les soins, les familles, le personnel de santé… tout devient une barrière à la vie intime.

Après on s’étonne d’avoir surpris Madame Marie se faufiler dans les couloirs en pleine nuit, telle une adolescente, pour aller rendre visite à Madame Lucie. Vous vous rendez compte ?! Oui mais Madame Marie, elle a peut-être fait un mariage hétéro pour faire plaisir à tout le monde et elle a maintenant envie de profiter du décès de Monsieur Marie pour aller ENFIN faire des galipettes avec une femme. Qui sait ? Et qui sommes-nous en tant qu’enfants, petits enfants ou soignants pour décider de lui retirer la possibilité de satisfaire ses besoins affectifs et relationnels ? Qui sommes nous de manière générale pour décréter qu’il y a une date de péremption à l’intimité, à l’affection, aux câlins, à la chaleur humaine et aux plaisirs charnels ? (Il faut vraiment que je sorte de ce confinement, cela fait trop ressortir mes pulsions révolutionnaires, je suis à deux doigts d’aller transformer les EHPAD en bordels)

Bon on va s’arrêter là, je pourrais encore m’enflammer pendant 45 pages (sur le rôle des familles, sur les personnes âgées homosexuelles ou trans, sur la hausse des contaminations IST dans cette population car les campagnes de prévention ne les avaient pas vraiment pris en compte, sur les chambres d’amour dans les maisons de retraite québécoises, sur la sexualité lorsque certaines pathologies comme Alzheimer viennent impacter les fonctions cognitives, sur le veuvage et l’isolement…) mais je pense que j’en ai dérouté plus d’un avec ma lubie de la sexualité au 3ème âge. Ce n’est absolument pas de la gérontophilie. A la base je voulais juste parler des gens qui me contactent mais « se trouvent trop vieux », puis ça a dérapé et j’ai écrit 5 pages, comme d’habitude. Donc venons-en à nos moutons !

Et nous dans tout ça ?

Comme je le disais, j’ai parfois des remarques de la part d’hommes qui se considèrent comme « trop vieux » et/ou qui ont peur de me « dégouter » à cause de leur physique. Alors, entendons nous bien, je ne mets pas forcément dans le même panier un homme de 60 ans et un homme de 80 ans, seulement je voulais profiter de ce post pour parler globalement de tout ce qui touche à notre différence d’âge et aux appréhensions liées à ça.

Comme je le disais plus haut et aussi dans mon post sur le rapport au corps, je n’ai pas de soucis avec les personnes qui ne sont pas dans la « norme » (jeune, mince, musclé, valide…). Je tiens donc à vous rassurer encore une fois sur ce point, vraiment n’aillez pas peur de ça avec moi.

Vous pouvez être gênés par la différence d’âge. J’entends totalement que ce soit un blocage pour vous et jamais je ne vous forcerais à faire quelque chose qui vous mettrait mal à l’aise. Nous pouvons très bien nous contenter de refaire le monde autour d’un bon repas comme deux amis. Grâce à cette activité j’ai pu avoir de magnifiques relations platoniques qui m’ont permis de rencontrer des gens adorables que je n’aurais peut-être pas pu rencontrer dans ma vie privée.

Vous pouvez être bloqué par le fait d’être vu en public avec moi, par la peur du regard des autres. Si je peux vous rassurer sur un point, nos voisins de table ne risquent pas de nous prendre pour un remake français du fameux couple Anna Nicole Smith et J. Howard Marshall. Tout d’abord parce que je ne suis ni blonde, ni plantureuse mais surtout parce que j’aime la discrétion. Tout ce qu’ils verront ce sont 2 amis qui refont le monde en dégustant un bon vin. (Je n’ai absolument rien contre Anna Nicole Smith, je trouve qu’on lui a beaucoup craché à la gueule, qu’on la toujours ramené au fait qu’elle était blonde/refaite/stripteaseuse et je trouve cela très triste)

Vous pouvez être gênés à l’idée de faire l’amour avec moi car vous rencontrez quelques « soucis mécaniques ». Faire l’amour ne se limite pas à la pénétration (c’est le sujet d’un article que je suis en train d’écrire mais pour le moment c’est bien trop brouillon, patience), nous pouvons parfaitement trouver notre bonheur avec à des câlins, des massages, des caresses, de la tendresse…

Vous pouvez désirer me rencontrer mais vous êtes en maison de retraite, à l’hôpital ou en résidence pour personnes âgées. On ne va peut-être pas faire tout ce qu’on a envie de faire mais si vous avez besoin de câlins et de chaleur humaine, je suis totalement partante.

Bref, si vous avez ce genre de frein, je vous encourage à me contacter pour que nous discutions de ce que nous pouvons faire pour passer une agréable rencontre.

Mes DLC à moi

Si ça peut vous rassurer, je n’ai pas une mais deux dates de péremption tamponnées sur mon joli postérieur. La même que la vôtre déjà, située à vue de nez entre 50 et 100 ans, et celle liée à mon activité. Depuis que j’ai commencé on n’a cessé de me dire « fais un vrai travail/fais des études/fais des économies car ça va pas durer » (j’étais déjà diplômée de l’école d’infirmière mais soit). J’ai cherché à savoir quand était donc ma date limite de consommation et j’ai la joie de vous annoncer que je suis en plein dedans vu que les gens la situent entre 30 et 35 ans. Diantre ! Que vais-je donc faire ?

J’ai envisagé plusieurs options comme celle d’épouser un vieux millionnaire qui disparaitrait de manière mystérieuse et me léguerait un sublime château dans lequel je pourrais couler une retraite paisible. J’y monterais un refuge pour sauver les anciens chevaux de course destinés à l’abattoir et je ferais des gâteaux ainsi que des plantations de géraniums comme toute retraitée qui se respecte. Si vous êtes âgé et très riche, n’hésitez pas à candidater.

Sachez que je serai très heureuse aussi avec un cottage anglais

https://www.bibamagazine.fr/lifestyle/voyages/un-cottage-anglais-du-14e-siecle-semble-tout-droit-sorti-dun-conte-de-fee-17670.html#item=1

Ou avec une maison Victorienne

En réalité, peut-être que j’ai un peu trop foi en l’humanité mais j’aime penser que tous les hommes ne s’arrêtent pas à un âge ou à un corps jeune. Je ne sais pas de quoi l’avenir sera fait, cependant j’ai envie de continuer tant que cela me plaira et ne pas ranger mes porte-jarretelles au placard à 35 ans parce qu’on m’a prédit une vie misérable si je ne tiens pas compte de cette DLC. Qui sait ? Peut être que certains de mes prétendants viendront jouer au bridge avec moi le dimanche à la maison de retraite (non je plaisante, vous m’aiderez à fuguer et on ira boire du champagne sur les bords de Garonne en regardant le soleil se coucher).

Je vous embrasse